Né dans le nord de la France, Madben a conservé un goût pour la gestion et un surnom qui évoque l’atmosphère industrielle. Résident de Lille, il baigne dans l’univers de la techno depuis ses débuts. Dans les années 1990, il suivait de près l’évolution de cette nouvelle scène à travers les flyers dénichés dans les disquaires locaux. Avec ses amis, il passait des nuits en Belgique, à Fuse à Bruxelles, aux soirées Kozzmozz à Gand ou dans des usines désaffectées à Courtrai, des territoires libres et idéaux pour écouter le meilleur son de l’époque. Tout cela le pousse évidemment à s’associer à d’autres passionnés pour organiser des soirées à Lille et ailleurs.
Après avoir vu et entendu des noms prestigieux du genre, que ce soit Dave Clarke et sa dextérité influencée par le hip-hop, la folie des lives de Speedy J ou les mixes extraterrestres de Jeff Mills ou Green Velvet, Benjamin se lance. Dans sa chambre, il partage ses premières platines Technics MKII avec d’autres amis, passant des heures à essayer de manier les disques comme à Detroit. La composition viendra plus tard, une étape naturelle après des années de DJing et d’échanges. En 2010, Benjamin investit ses économies dans un studio rudimentaire, une paire d’enceintes, un écran, un clavier MIDI et un ordinateur équipé de Reason et Ableton. Passionné par les sons des labels Purpose Maker, Blueprint ou Tresor, ou par la technique d’autres artisans de la techno comme James Ruskin ou Surgeon, Madben peaufine sa musique et commence à la diffuser en temps réel sur Soundcloud. Poussé par ses amis, il envoie des démos à Laurent Garnier qui répond immédiatement : « Mortel. » Garnier joue un titre dans son émission de radio sur Le Mouv, « It is What It Is ». Les apparitions de Madben se multiplient par 100 et il s’associe avec le festival Astropolis de Brest, une institution électronique française, qui s’apprête à lancer son propre label. C’est le signal de départ.
Madben déménage à Paris en 2012. Il apprend en même temps qu’il s’entoure de machines, composant son studio pièce par pièce, entre vintage et modernité : une machine à rythme Elektron Analog Rytm, un synthétiseur Kill Patrick Phenol, quelques modules Eurorack ou le bon vieux Moog ou Modor (made in Belgium !). Technoïde accompli, à l’aise sur les platines, en studio ou en live, il lui manquait un premier album. C’est chose faite depuis Frequency(s), sorti en 2018 sur Astropolis Records. Il y établit son style techno clair/obscur en invitant ses aînés (Laurent Garnier et Manu Le Malin) et l’artiste Rebeka Warrior. Cet album lui ouvre les portes des festivals et clubs européens et le conduit à rencontrer de nouveaux alliés à l’international : Maceo Plex le recrute dans son équipe (Ellum audio). Avec un premier rendez-vous réussi au Berghain en 2019, un tout nouvel horizon s’ouvre pour lui. Plus récemment, il s’est distingué lors de ses performances au Printworks de Londres, lors d’Awakenings à Amsterdam, à Berns à Stockholm ou à De Marktkantine à Amsterdam pour la fermeture du club culte en mai 2022.
Un mois plus tard, Madben sort un premier album avec Trunkline, une adaptation studio de lives impressionnants et percutants, sans aucun ordinateur sur scène, en duo sonore avec Yann Lean. Quant à l’étape suivante, elle était évidente : la spontanéité de Frequency(s) appelait à un petit frère. Une suite où le sound design et les arrangements des morceaux semblent encore plus travaillés, renforcés par les nouvelles machines qui peuplent son studio, désormais situé non loin de Nantes. Un pas de plus vers la pureté technique, mais toujours la même volonté : être ému, s’évader, tout en continuant à faire taper des pieds en rythme. Que l’on parle d’albums ou de DJ-sets, c’est la même école, celle d’une techno qui a toujours à cœur de raconter une histoire tout en faisant danser les clubs.
Le résultat s’appelle « Troisième sens », comme une troisième voie éloignée des choix binaires, à l’image de cette musique qui ne sacrifie pas son sens du récit sur l’autel de l’efficacité dancefloor. Il y a des surprises dans les arrangements, de petits cadeaux qui se découvrent au fil des écoutes, mais quand c’est la première fois, la claque est évidente, primitive. Voilà la techno de Madben : reprendre les codes pour les emmener ailleurs, déclarer son amour pour le clubbing sans tomber dans ses clichés, tracer une sacrée intelligence de production sur l’immédiateté de cette fête qui le porte depuis l’adolescence. Un peu de Mad, beaucoup de Ben.